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DésarmementConférence du Désarmement 2011 - Déclaration de S.E.M Idriss Jazaïry devant la plénière du 27 janvier 2011
Monsieur le Président, Je vous renouvelle les félicitations de la délégation algérienne à l’occasion de votre accession à la présidence de la Conférence. Nous nous félicitons aussi de l’allocution prononcée devant nous hier par M. le Secrétaire général des Nations Unies et du débat informel qui s’est déroulé avec lui par la suite. Je souhaiterais également rendre de nouveau hommage à M. Sergei Ordzhonikidze, Représentant personnel de M. le Secrétaire général de l’ONU et Secrétaire général de la Conférence pour le rôle éminent qui a été le sien parmi nous. Je souhaite enfin une chaleureuse bienvenue aux Ambassadeurs du Kenya, du Zimbabwe, de Hongrie et de Suède.
La situation au sein de la Conférence ne permet pas d’entrevoir de nouveau cette année l’adoption d’un programme de travail qui nous permettra, enfin, reprendre le chemin de la négociation afin de relever les différents défis posés au régime de non-prolifération et de désarmement, et partant, à la paix et à la sécurité internationales. L’Algerie, comme l’a souligné le Ministre algérien des Affaires étrangères, M. Mourad Medelci lors de la réunion de Haut Niveau de septembre dernier à New York, pense que cette stagnation ne saurait être imputée à une défaillance de la Conférence. Elle est imputable à l’absence de la volonté politique pour la prise en charge de l’ensemble des questions à l’ordre du jour de la Conférence, aux tentatives de hiérarchiser les points du Décalogue associés à l’incapacité des acteurs concernés à trouver des solutions régionales de nature à débloquer la dynamique multilatérale.
A cet égard, comme l’a reconnu l’Assemblée générale de l’ONU dans sa récente résolution n° 65/54, le multilatéralisme demeure le principe fondamental pour répondre aux préoccupations de sécurité en matière de désarmement et de non-prolifération. Dans ce contexte, je souhaiterais me joindre aux nombreux orateurs qui ont réitéré leur soutien à la Conférence de Désarmement en tant qu’unique organe multilatéral de négociation dans le domaine du désarmement. La première priorité à laquelle nous devons nous atteler est, évidemment, l’élimination des armes nucléaires qui représente toujours un danger pour la survie même de l’humanité. Nous sommes encouragés par les manifestations de bonne foi en faveur de l’élimination des armes nucléaires et par les multiples initiatives et efforts qui s’inscrivent dans ce sens. Les accords passés dans le cadre de la Conférence d’examen du Traité de Non-prolifération des armes nucléaires (TNP) de mai 2010, la ratification du Traité START par les Etats-Unis et la Fédération de Russie ainsi que les réductions unilatérales des armes nucléaires et le Sommet de Washington sur la sécurité nucléaire constituent des avancées à saluer. Ces efforts méritent à être soutenus si nous voulons réellement débarrasser l’humanité de la menace nucléaire. Car, il faut reconnaître que les progrès réalisés jusqu’à présent n’ont pas permis de rompre avec le concept de dissuasion nucléaire au sujet duquel le Comité du Conseil œcuménique des Eglises a déclaré en 1982 qu’il : « doit être rejeté comme moralement inacceptable et comme incapable de sauvegarder la paix et la sécurité à long terme. De même, la production et le déploiement des armes nucléaires constituent, autant que leur usage, un crime contre l’Humanité ». En effet, le nombre d’armes nucléaires existantes demeure impressionnant. Des doctrines de dissuasion nucléaire datant d’un passé que notre collègue de la Suède a qualifié dans sa déclaration du 25 janvier 2010, à juste de titre, de « dangereux » ont été réaffirmées. Une alliance s’est même déclarée foncièrement nucléaire, ce qui serait selon le rapport du Conseil consultatif des Nations Unies pour les questions de désarmement sous la cote A 56/400 de septembre 2001 « contraire à l’esprit et à la lettre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires ». Le concept de dissuasion ne figure pas dans le Traité de Non-Prolifération des armes nucléaires . En ressuscitant ce concept suranné de la confrontation Est-Ouest qui l’a engendré, on délégitimise encore plus l’obligation de renoncement à l’arme nucléaire qui est le fondement du TNP. Si tel est le cas, on risque d’ouvrir la voie à la prolifération nucléaire au motif que nul n’a le monopole de la dissuasion. Or le salut de l’humanité réside dans le processus inverse impliquant le passage d’une démarche de non-prolifération à une démarche de désarmement nucléaire. Monsieur le Président, L’Algérie est profondément attachée au désarmement nucléaire. Elle tient ses engagements de non-prolifération conformément au TNP qui demeure, à nos yeux, la pierre angulaire du désarmement et de la non-prolifération des armes nucléaires. Ce Traité repose sur des responsabilités et des droits mutuels. Le respect de l’ensemble des dispositions du Traité et son universalité sont une condition essentielle pour la crédibilité et la légitimité du régime de non-prolifération. Nous renouvelons l’appel aux Etats qui ne l’ont pas encore fait à ratifier ce Traité. Nous comprenons les craintes exprimées par certains concernant les risques de prolifération. Toutefois nous croyons que des solutions pourraient être conçues dans le cadre de l’AIEA pour élucider toute ambiguïté et instaurer la transparence nécessaire des programmes nucléaires. La prévention de la prolifération des armes nucléaires ne saurait compromettre un droit souverain à l’accès à l’énergie nucléaire à des fins pacifiques, ni hypothéquer notre indépendance énergétique au profit d’un quelconque oligopole appliquant au demeurant des règles à géométrie variable. Au moment où il nous est demandé, nous Etats ayant abandonné l’option nucléaire, de nous engager en faveur de nouvelles mesures de non-prolifération, certaines puissances nucléaires poursuivent des programmes de modernisation de leurs arsenaux nucléaires pour maintenir une capacité de dissuasion nucléaire dite « crédible ». En soumettant la réalisation du désarmement nucléaire à des conditions énoncées unilatéralement, ils repoussent à des horizons lointains cet objectif fondateur du Traité. Nous ne pouvons admettre que le statut de l’Etat doté reconnu par le TNP et limité par l’article VI soit assimilé à un droit permanent. Il nous faut sortir de cette inégalité entre Etat doté et Etat non doté qui trouvait une certaine justification au moment de la Guerre froide. Les politiques qui prétendent la justifier sont à la fois injustes et dangereuses. Comme l’a montré Jean Klein en 1978 dans le journal « Le Monde diplomatique » sous le titre « Ambiguïtés de la non- prolifération « on ne voit pas au nom de quelle morale internationale, les pays nantis interdiraient aux autres le droit d’exercer l’option nucléaire aussi longtemps qu’ils n’auront pas renoncé eux-mêmes aux privilèges que leur confère l’arme nucléaire et démontré par des mesures concrètes de désarmement, leur volonté d’asseoir la sécurité mondiale sur des bases nouvelles ». Les Etats dotés de l’arme nucléaire sont instamment priés de mettre en œuvre les engagements pris, notamment l’engagement non équivoque de procéder à l’élimination de leurs arsenaux nucléaires de manière transparente donnant ainsi effet à l’article VI du TNP. Il s’agit là d’une obligation, oui d’une obligation dont la Cour internationale de Justice a confirmé l’existence dans son avis consultatif de juillet 1996. Les puissances nucléaires doivent assumer leurs responsabilités en matière de désarmement nucléaire. Cependant, ce processus ne saurait relever de la seule politique nationale ou bilatérale. Pour être effectif, il doit être négocié dans un cadre multilatéral. Et c’est dans ce contexte qu’un Traité sur l’interdiction des matières fissiles trouve toute son essence. Une norme d’interdiction en la matière devrait s’inscrire dans une logique de non-prolifération et surtout de désarmement. Par ailleurs, l’entrée en vigueur du Traité sur l’Interdiction complète des Essais nucléaires (TICE) constituerait une avancée importante dans le même sens. Dans ce contexte, il nous paraît utile que la Conférence accorde une attention particulière à la question des doctrines de dissuasion nucléaire et partant, à la légitimité même au recours aux armes nucléaires. Le fait pour les puissances nucléaires d’invoquer l’arme nucléaire pour préserver des intérêts vitaux ou faire face à des défis présomptifs dans l’absolu ignore tout simplement la sécurité des autres, en bref la sécurité collective. C’est ignorer que nous sommes 65 Etats membres, représentants des agendas de sécurité divers, c’est ignorer que la Communauté internationale nous a confié la responsabilité de transcender nos agendas de sécurité et nos intérêts respectifs pour définir les bases d’une sécurité collective, dont le principe élémentaire est une sécurité non diminuée pour tous. Sinon, que dire des Etats de la région du Moyen-Orient qui font face à un réel danger nucléaire de la part d’un seul pays qui possède impunément un stock considérable d’armes nucléaires en dehors du TNP en toute quiétude. Ce dernier, malgré les appels incessants de la Communauté internationale, les résolutions du Conseil de Sécurité et la résolution de 1995 du TNP, refuse toujours d’adhérer au TNP et de soumettre ses installations nucléaires aux garanties de l’AIEA. Etrangement les décideurs de ce monde n’y trouvent rien à redire. La mise en place d’une zone exempte d’armes nucléaires dans cette région est primordiale pour la stabilité des Etats de la région et pourrait favoriser le processus de paix. Nous exhortons les Etats dotés d’armes nucléaires et la Communauté internationale à agir en vue de doter cette région meurtrie d’un tel statut. Nous souhaitons que la conférence prévue pour 2012 à cet effet consacre le lancement de négociations pour mettre en place la zone exempte d’armes nucléaires et ne fasse pas l’objet de manœuvres de diversion. Cependant, les processus de mise en place de zones exemptes d’armes nucléaires ne saurait constituer une solution de rechange à la revendication de garanties négatives multilatérales de sécurité. Monsieur le Président, L’Algérie, au même titre des pays du Mouvement des Non-Alignés, revendique des garanties négatives de sécurité. Elle estime que le droit à la légitime défense ne peut être invoqué pour justifier l’emploi des armes nucléaires contre des Etats non dotés. Notre revendication répond à un besoin légitime de sécurité pour les Etats non dotés de l’arme nucléaire. Ceci constitue au demeurant un élément essentiel pour le régime de non- prolifération lui-même. Nous avons noté l’évolution positive dans la politique américaine en la matière. Nous tenons à la saluer. Mais nous estimons que le régime actuel de déclarations unilatérales ne répond pas complètement à nos préoccupations. Il importe que nous puissions parvenir, au sein de la CD, à un instrument juridique international ayant force obligatoire et interdisant de manière claire et crédible l’emploi ou la menace d’emploi des armes nucléaires contre les Etats non dotés de telles armes. Monsieur le Président, L’espace extra atmosphérique est un espace commun à l’humanité qui devrait être préservé et être réservé uniquement aux utilisations pacifiques. Nous appuyons les déclarations faites ces derniers jours en notre enceinte rappelant que la Conférence du Désarmement est le cadre idoine pour conclure des instruments internationaux à même de renforcer le cadre normatif pour prévenir et limiter la militarisation de ce patrimoine commun à l’humanité . Monsieur le Président, La communauté internationale nous a confié la responsabilité de négocier des instruments de désarmement, en premier lieu nucléaire, pour asseoir une réelle paix et une réelle sécurité internationales. A cette fin nous nous devons d’agir avec un sens de responsabilité collective. Ce faisant, nous devons être guidés par les principes de la Charte des Nations Unies. Je veux dire le règlement pacifique des différends internationaux, le non recours à la menace ou à l'emploi de la force contre l'intégrité territoriale ou contre l'indépendance politique de tout Etat. Dans ce contexte, la délégation algérienne est disposée à s’engager avec tous les membres de la Conférence dans toute initiative de nature à nous permettre de relancer effectivement nos travaux. A cet égard, nous continuons de croire que la logique qui sous-tend la décision CD/1864 qui a été adoptée en mai 2009 est incontournable pour commencer un processus de débats et de négociations. Nous remercions vivement Monsieur le Secrétaire général de l’ON, vous-mêmes Monsieur le Président l’Honorable Secrétaire d’Etat adjointe des Etats-Unis pour leur appréciation positive de l’initiative de la la présidence algérienne qui s’est traduite par l’adoption par consensus de la CD/1864 en mai 2009. Seule une telle démarche nous conduira, à terme, comme le rappelait hier Monsieur le Secrétaire général des Nations Unies, à négocier des instruments à même de répondre aux préoccupations de sécurité de tous les Etats membres. La CD/1864 n’est pas un produit fini. Elle ne contient pas une hiérarchisation des priorités. C’est un point de départ d’un processus étalé dans le temps qu’il nous appartient conformément aux règles de procédures, de mener à bon port. Le succès de la démarche est évidemment tributaire de contingences qui du point de vue de la CD sont à la fois endogène et exogènes. Enfin, permettez-moi de citer un de nos anciens brillants collègues dont je continue de garder le meilleur souvenir et dont certains d’entre vous se rappellent sûrement, l’Ambassadeur Masood Khan, prédécesseur de notre collègue S.E. Zamir Akram au moment de la clôture de la sixième conférence d’examen de la Convention sur les armes biologiques, je cite « We will put success on the table and try to define what it could be » Enfin, je voudrais me faire l’écho des orateurs qui m’ont précédé et qui ont soutenu la même logique de participation des ONG au sein de la CD qui est revendiquée au sein d’autres instances des Nations Unies, en particulier le Conseil des droits de l’homme. Je vous remercie de votre aimable attention.
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