Désarmement

Déclaration de la délégation algérienne devant la plénière informelle de la Conférence du Désarmement du 9 juin 2011. Conférence du Désarmement Session 2011

 

Déclaration de la délégation algérienne devant la plénière informelle de la Conférence du Désarmement  du 9 juin 2011.

Conférence du Désarmement

Session 2011

Mme le Présidente,

Nous vous remercions de  nous avoir donné l’opportunité de débattre de la question actuelle de la CD. En vérité les positions des uns et des autres sont déjà connues. Nous souhaitons, toutefois, mettre à profit cette réunion informelle pour engager une certaine discussion interactive afin de stimuler les débats dans l’espoir d’explorer d’éventuelles pistes à même de permettre à la CD de reprendre le chemin des travaux de fond.

Il est incontestable que l’état de blocage persistant de la CD est une source d’inquiétude. Il incompréhensible que la Conférence persévère dans sa léthargie alors que les défis majeurs posés à la sécurité internationale et mettant en danger la survie même de l’humanité, notamment l’existence d’énormes arsenaux et les doctrines de dissuasion héritées de la guerre froide  nous interpellent pour leur apporter des réponses collectives et efficaces.

Le prolongement de cette impasse qui perdure depuis 1997 suscite des débats et aussi des interrogations sur le rôle de cet organe dans l’avancement de la cause du désarmement multilatérale. Avons-nous besoin de la Conférence? Si oui comment la CD pourra surmonter cette stagnation?

La délégation algérienne souhaiterait contribuer à ce débat et donner son évaluation de la situation de la CD et ne prétend nullement apporter  des explications ou des solutions absolues.

La situation au sein de la CD, à l’instar de toute organisation internationale mérite d’être analysée afin de comprendre les raisons et explorer les pistes susceptibles de relancer ses travaux. Cette analyse devrait aborder les relations dialectiques entre le mandat de la CD, son environnement et ses règles de fonctionnement y compris son cadre institutionnel et son contexte, c'est-à-dire le comportement des acteurs afin de situer les problèmes et les dysfonctionnements.  L’examen  doit aussi être envisagé par rapport aux autres instances ou cadre de négociations parallèles dont le champ d’activités pourrait influer directement sur la performance de la Conférence.

De notre point de vue, la CD demeure un cadre précieux qui jouit encore de performances essentielles à même de négocier des instruments collectif afin de juguler les menaces  posées à la paix et à la sécurité internationales.

En réalité, le blocage actuel de la CD a commencé au lendemain de la session de 1995 qui a été marquée par deux événements importants.  Il s’agit de l’adoption du document CD/1299 sur le FMCT en mars 1995 et de la prorogation indéfinie  du TNP en mai 1995. Il faudrait peut être réfléchir sur l’impact de ces deux  actes sur l’attitude des acteurs principaux et sur la dynamique au sein du cadre multilatéral, en particulier  la CD. Nous n’avons pas de réponse à ce sujet, mais ce sont là des questions à poser et qui méritent des réponses et une réflexion collective.

La paralysie de la CD fait l’objet de diverses interprétations et explications et de propositions de solutions  en fonction de l’agenda de chacun. Ceci met à l’évidence le fait qu’il  n’y a pas une formule magique à préconiser d’autant plus que le domaine d’activités de la CD à savoir la négociation d’instruments de désarmement est un domaine très sensible et complexe touchant à la sécurité des Etats.

Cette paralysie  est due aux divergences profondes des vues des Etats membres sur la perception de la situation sécuritaire internationale et par conséquent l’approche et la hiérarchie des priorités à prendre en charge dans le programme de travail.

Ainsi, la Conférence était partagée entre deux tendances. Une tendance privilégie une démarche globale afin de dégager un programme de travail viable et équilibré qui tienne compte des priorités et des préoccupations de tous. Ce programme devrait aborder tous les points à l’ordre du jour de la Conférence, en particulier les questions principales, à savoir le désarmement nucléaire, les garanties négatives de sécurité, l'interdiction de la production des matières fissiles (FMCT) et l’arrêt de la course aux armements dans l’espace  extra-atmosphérique (PAROS).

D’un autre coté, d’autres pays préfèrent une démarche qui consiste à établir une  sorte d’hiérarchisation des priorités et favorisent la négociation de la seule question du FMCT.

Par ailleurs, contrairement aux aspirations des Etats non dotés de l’arme nucléaire,  il semblerait que la prorogation indéfinie du TNP n’a pas insufflé la dynamique nécessaire à la diplomatie multilatérale du désarmement, y compris  la CD. On constatera l’intérêt accordé à la lutte contre la prolifération même dans le cadre d’initiatives plurilatérale. Les puissances nucléaires, à une exception, ayant obtenu la garantie de la prorogation indéfinie du TNP perçoivent la problématique du danger nucléaire en termes de non-prolifération. Relégué à l’arrière plan, le désarmement nucléaire est resté du domaine des efforts unilatéraux ou bilatéraux. Il semblerait que la reconduction indéfinie du TNP a été assimilée par ces puissances à une reconnaissance de leur statut d’Etat nucléaire de façon indéfinie.

Les politiques et les doctrines nucléaires adoptés en 2010 par les puissances nucléaires n’ont pas évolué dans le sens du fameux discours du Président américain de Prague d’avril 2009 et les nombreuses déclarations des dirigeants des puissances nucléaires prêchant l’abolition desarmes nucléaires « option zéro». Ces nouvelles politiques ont confirmé le rôle d’armes nucléaires et n’ont pas introduit des transformations profondes par rapport aux doctrines précédentes et ne favorisent pas l’élimination complète des armes nucléaires. Ainsi, l’arme nucléaire est toujours là  et a toujours pour mission de dissuader, à titre préemptif ou en réaction à des attaques menaçant les intérêts vitaux de ces pays. Même si certaines puissances nucléaires ont consenti de reconnaître des garanties négatives de sécurité aux Etats non dotés de l’arme nucléaire parties au TNP et qui respectent leurs engagements de non prolifération, ceci n’a été possible que dans la mesure ou ce pays estime posséder les moyens de riposte efficace pour dissuader toute attaque de la part des pays non dotés de l’arme nucléaire.

   Mme la Présidente, 

Certaines délégations attribuent le blocage de la CD à la rigidité du règlement intérieur et des  méthodes de travail de la CD,  notamment la règle du consensus ainsi que de son agenda.

En guise de solutions possibles il est préconisé de limiter la porté de la règle de consensus aux seules questions de substances et de soumettre celles ayant trait à la procédure, telle que la mise en place d’un organe subsidiaire au vote majoritaire.

En matière de désarmement, il n’est pas aisé de dissocier les aspects de substance de celles portant sur la forme. Il est difficile de dissocier les éléments ou les paramètres d’un organe subsidiaire qui vont orienter les travaux de cet organe des éléments de fond.

La règle de consensus constitue une protection des intérêts de sécurité nationale de tous. En tenant compte des intérêts de sécurité de tous, cette règle confère, en principe, au Traité conclu la légitimité et lui assure l’universalité et l’efficacité.

Par ailleurs, certains pays estiment que le blocage s’explique par l’approche du programme de travail qui assimile celui-ci à la mise en place d’organes subsidiaires et à la négociation. A cet égard, ils préconisent une approche simplifiée du programme de travail qui n’exige pas la mise en palace de tels organes. C’est là une piste  à explorer. Il s’agit en fait d’exhumer le format de travail des années  80 aux termes de laquelle le programme de travail équivaut à un calendrier de débats sur l’ensemble des points d’ordre du jour. Les organes subsidiaires sont crées en cas de consensus. En outre la teneur des débats dans le cadre du programme de travail est consignée dans le rapport annuel.

Cette approche est intéressante dans la mesure où elle permettrait de maintenir la CD en activité et lui offre une certaine souplesse. De telles discussions pourraient contribuer à la préparation des conditions techniques nécessaires pour de futures négociations. A ce titre, la mise en place d’un groupe d’experts gouvernementaux pour préparer les consensus techniques des instruments de désarmement pourrait être envisagée.

Toutes les négociations sont généralement précédées par des discussions et travaux préparatoires. Même la CD n’a été en mesure de conclure son 1er instrument, la Convention sur l’Interdiction des armes chimiques qu’en 1992, soit 14 ans après sa mise en place en 1979.

Toutefois cette démarche suscite quelques  ce propos des interrogations.

Comment préserver la nature du mandat de négociation de la CD ? Sachant que la Conférence, à défaut d’un programme de travail ne fait que discuter sans que cela ait pu faire avancer les choses.

Comment éviter le double emploi et le chevauchement entre la CD et la Commission de désarmement qui est par vocation un organe délibératif ?

Comment s’assurer que de telles discussions soient en pas en avant et non pas  une remise en cause des consensus réalisés précédemment tel que le rapport Shannon sur le FMCT.

La mise en place de la CD en 1978  s’inscrivait dans le cadre d’une démarche globale de l’Assemblée générale qui afin de revitaliser le mécanisme de désarmement de l’époque a décidé de créer un mécanisme de négociation (CD) à composition limitée et des organes délibérants à composition universelle (1ére Commission et Commission du désarmement). La situation de blocage n’est pas spécifique à la CD. Elle concerne toute la machinerie multilatérale de désarmement.

Cependant, cette approche  ne garantit en rien l’amélioration de la performance de la CD. 

Le  discours de certains pays ponctués de mise en garde en cas du prolongement du blocage d’envisager d’autres espaces pour négocier le FMCT. Nous ne pensons pas que cette démarche puisse bénéficier de l’adhésion de tous, en particulier l’ensemble des acteurs concernés. Ce qui priverait tout accord conclu de la base politique et de la crédibilité nécessaires.

La délégation algérienne est d’avis, et nous pensons  que c’est l’avis de la majorité de pays, le problème au niveau de la CD n’est pas inhérent aux procédures de fonctionnement de la Conférence. L’explication devrait être recherchée dans les politiques des puissances nucléaires et de leurs alliés, des problématiques d’équilibre régional et d’évolutions politiques au plan national au niveau de certaines puissances.

Pour briser l’impasse qui caractérise la CD et l’ensemble des mécanismes multilatéraux de désarmement, les efforts internationaux devraient porter sur la mise en place d’un contexte favorable à la coopération multilatérale dans le domaine de la sécurité. A cet égard, les politiques de sécurité devraient être repensées en vue de consacrer  une notion de sécurité collective et un consensus global sur le désarmement dans l’intérêt de tous, selon le principe de sécurité non diminuée pour tous.

La situation au sein de la CD est tributaire de contingences endogène et en particulier exogènes. Elle ne peut reprendre ses travaux de fond que si les Etats membres manifestent la volonté politique nécessaire pour s’engager à travailler pour parvenir à des solutions collectives à même de prendre en charge réellement les défis posés à la sécurité et à la paix internationales et les préoccupations de sécurité de tous. A cet égard, il est important d’asseoir un climat de confiance favorable.

Dans cet esprit, la délégation algérienne  continue de croire  que la  décision CD/1864 qui a bénéficié du consensus en mai 2009 constitue une solution de survie de la Conférence. Cette décision qui a rappelé encore une fois par le document final de la Conférence  ministérielle des pays du Mouvement des Non-Alignés qui a eu lieu à Bali en Indonésie, du 25 au 27 mai 2011, ne représente certainement pas un produit parfait. Mais, elle constitue le résultat d’un compromis qui, tel que mentionné dans son préambule, s’inscrit  dans une logique évolutive. Comme il a été déclaré par l’Ambassadeur Jazaïry, le 29 mai 2009 suite à son adoption, la CD/1864 n’établit pas une hiérarchisation des priorités. Elle visait à enclencher un processus de discussions et négociations interactives qui devaient asseoir un climat de confiance et mener, à terme, à des négociations sur le désarmement nucléaire et les sur les autres questions. Mais il semblerait que cet aspect de la décision qui figure bien dans le préambule de la décision a souvent été occulté par certains qui n’ont retenu que la négociation du FMCT.

Enfin, en cas de  persistance des divergences empêchant la CD à s’acquitter de son mandat, il nous parait  important de convoquer la 4ème session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée au désarmement pour dégager à un consensus sur les priorités du désarmement et sur la machinerie de désarmement multilatérale, y compris l’articulation entre les organes délibératifs et la CD en tant qu’organe de négociation.

Je vous remercie