Désarmement

Déclaration de S.E.M Idriss Jazaïry à la séance plénière officielle du 1er septembre 2011 de la Conférence du Désarmement

Conférence du Désarmement

Session 2011

 

Déclaration de Idriss Jazaïry

Ambassadeur, Représentant permanent

 

                                                                                                   Séance plénière officielle du 1er  septembre 2011

 

 

Monsieur le Président,

 

Je voudrais adresser à tous mes collègues musulmans, mes vœux sincères pour Eid El Fitr.

 

Permettez tout d’abord de vous réitérer Monsieur le Président Reyes Rodriguez mes félicitations pour votre accession à la présidence de la Conférence et de vous assurer du soutien de ma délégation et de sa disponibilité à vous aider dans l'accomplissement de votre tâche.

Je voudrais également rendre un grand hommage à votre prédécesseur S.E l’Ambassadeur de la République démocratique populaire de Corée pour la diligence qu’il a déployée en s’acquittant de son mandat.

 

Je voudrais aussi remercier l’Ambassadeur de l’Inde M. Hamid Ali Rao pour les remarques qu’il vient de formuler et associer entièrement ma délégations à celles-ci. C’est vous dire l’admiration que j’éprouve à l’égard de la sagesse de cet éminent représentant d’un pays ami et les sentiments de sincère amitié que je partage avec l’ensemble membres de la CD à son égard.

 

Il m’est agréable de souhaiter la chaleureuse bienvenue à S.E.M Abdul Samad Minty, le nouveau Représentant permanent d’Afrique du Sud. J’avais eu l’honneur de coopérer avec M. Minty et avec Paulette Pierson-Mathy, la Présidente du Comité belge contre l’Apartheid dès les années 80 lorsque j’étais Ambassadeur en Belgique et que le militant Minty luttait courageusement contre le régime oppressif qui dominait son pays. Vous n’êtes pas non plus Monsieur l’Ambassadeur nouveau pour beaucoup d’entre nous ici qui connaissent votre longue expérience pour avoir exercé des responsabilités importantes nationales et internationales. Vos contributions précieuses dans les questions de désarmement et de non-prolifération, en particulier nucléaire sont hautement appréciées. Nous sommes heureux de vous avoir parmi nous. Votre déclaration de ce matin est une nouvelle manifestation de votre vaste expérience qui enrichira et inspirera nos délibérations et imprimera une nouvelle dynamique à la Conférence de Désarmement dont elle a  tant besoin.

 

Monsieur le Président,

 

Votre présidence intervient à un moment difficile de la session où nous avons à nous  mettre d’accord sur un rapport devant rendre compte à la Communauté internationale de ce que nous avons fait tout au long de la session 2011 pour répondre aux multiples demandes qui nous ont été faites par l’Assemblée générale aux termes d’un certain nombre de résolutions qui nous ont été transmises par le Secrétaire général au début de la session.

 

Cette session se termine dans un contexte marqué par des interrogations et par des motifs de crainte pour le devenir même de la CD. Malgré les débats intenses sur les différents thèmes de l’ordre du jour, sur le programme de travail et sur les méthodes de travail de la Conférence, nous n’avons pu préserver le consensus sur le programme de travail auquel nous étions parvenus dans le cadre de la CD 1864 il y a deux ans. La retour à la paralysie persistante de la Conférence qui ne semble pas susceptible d’évoluer dans le court terme, n’est plus soutenable pour beaucoup de pays et risque de nuire à la survie même de la Conférence. Les vues exprimées dans le contexte du processus de suivi de la réunion de haut niveau et les débats attendus lors de la prochaine session de l’AG/ONU à ce sujet témoignent des préoccupations et de l’impatience provoquées par cette situation.

 

Il nous faut admettre, cependant, que le blocage de la CD est le résultat du manque de volonté politique et des divergences quant aux perceptions en matière de sécurité et de défense. Durant les précédentes plénières, j’avais exposé l’évaluation par mon pays de cette situation. Nous ne pensons pas que cette paralysie est due à des considérations de pure procédure. Par conséquent, des modifications des méthodes de travail de la Conférence ou le recours à d’autres cadres ne sauraient résoudre l’essentiel du problème. On ne saurait distinguer les questions de procédures pouvant faire l’objet d’un vote majoritaire éventuel des questions de fond sur la sécurité des Etats pour lesquelles on préserverait la règle du consensus, vu l’interpénétration des concepts de procédure et de fond.

 

Si on cherche, par ailleurs, à négocier en dehors de la CD sur les quatre questions principales, les instruments qui seront conclus ne permettront pas d’atteindre l’objectif recherché dans la mesure où ils ne bénéficieront pas de la légitimité politique et de l’autorité juridique nécessaires à tout instrument international de sécurité internationale. Des négociations de type « Like Minded Group » seront entachées par les mêmes carences. Une telle démarche risque d’éroder le cadre multilatéral sans apporter pour autant des solutions viables.

 

Les causes du blocage sont beaucoup plus profondes et ne sauraient donc être réglées par des accommodements des méthodes de travail. Il s’agit en réalité du manque de volonté politique de mettre en ouvre le mandat initial de la CD tel que défini dans le Décalogue, à savoir la conclusion d’instruments multilatéraux de désarmement, en premier lieu l’élimination des armes nucléaires. Soixante quinze (75) ans après l’adoption de la 1ère résolution de l’AG/ONU sur le désarmement nucléaire, les armes nucléaires se comptent par des dizaines de milliers au service de doctrines nucléaires datant de la Guerre froide et qui trouvent une nouvelle source de jouvence dans l’invocation de la « dissuasion » au seul profit des plus forts contre les plus faibles.

 

Certes la Conférence continue de bénéficier de l’intérêt d’une grande majorité de pays comme l’atteste la participation du Président de l’Assemblée générale, du Secrétaire général de l’ONU et d’un certain nombre de dignitaires. Mais, le prolongement de son impasse porte atteinte à sa crédibilité. Il nous faudrait réfléchir ensemble pour dégager un cadre de travail qui nous permettra de reprendre le chemin des travaux de fond si nous voulons préserver la conférence en tant qu’unique organe de négociations multilatéral de désarmement.

 

Dans ce cadre, il est nécessaire que les Etats membres répondent collectivement aux défis qui nous guettent et acceptent de s’engager dans la négociation trop longtemps différée des instruments multilatéraux fondant une réelle sécurité collective et s’inscrivant à ce titre dans une démarche de désarmement véritable et non seulement de non-prolifération. A cet égard, il importe de concevoir un programme de travail complet et équilibré qui traite de l’ensemble des menaces et des intérêts de sécurité de tous.

 

La première priorité que nous devons tous nous accorder à prendre en charge est l’élimination des armes nucléaires. Il s’agit là d’une obligation que la CIJ a confirmée à juste titre dans son avis consultatif de juillet 1996. Les Etats dotés de l’arme nucléaire ont réaffirmé leur engagement sans équivoque d’éliminer totalement leurs arsenaux nucléaires. La codification de l’objectif de désarmement nucléaire doit se faire en normes délégitimant l’usage ou même la détention de telles armes. Le programme de travail de la CD viserait à identifier les éléments et moyens d’y parvenir à terme. Dans ce contexte, un Traité sur l’interdiction de la production des matières fissiles pour la fabrication d’armes nucléaires ou autres dispositif explosifs nucléaires et l’élimination progressive des stocks serait un élément essentiel dans le processus de désarmement nucléaire.

 

Un tel Traité en lui-même devrait s’inscrire dans une démarche d’ensemble ouvrant la voie au désarmement nucléaire. Il devrait être complété à titre prioritaire par d’autres mesures visant à revoir les fondements des doctrines nucléaires pour réduire le rôle des armes nucléaires dans les politiques de défense. L’objectif serait de donner un sens pratique au principe de sécurité non diminuée pour tous. A cet égard, l’octroi de garanties négatives de sécurité crédibles et contraignantes revêt une priorité pour les Etats qui comme le mien ont pris l’engagement de ne pas opter pour l’arme nucléaire. Nous reconnaissons comme d’autres que la responsabilité première de tout Gouvernement est de protéger ses citoyens et ses intérêts. C’est d’ailleurs notre mission ici en tant que représentants de nos Etats respectifs. Mais, nous pensons que les intérêts nationaux devraient tenir compte de l’intérêt commun de l’humanité et que les impératifs nationaux de sécurité ne devraient pas faire abstraction des intérêts de l’humanité. Par ailleurs, il est inconcevable qu’un besoin légitime de sécurité des Etats non dotés de l’arme nucléaire soit considéré comme un danger ou comme une menace pour la sécurité des Etats dotés de l’arme nucléaire.

 

La question de la prévention de la course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique est aussi une composante essentielle de cette démarche d’ensemble pour apporter des solutions viables à la sécurité collective.

 

L’Algérie continue de croire que la décision CD/1864 constitue un point de départ des travaux dans le cadre de mécanismes différenciés qui ne pourront aboutir en fin de compte que si les positions et les intérêts des uns et des autres convergent vers le consensus.

 

Au cas où les choses n’évolueraient pas dans le sens positif, la convocation, comme l’évoquait toute à l’heure l’Ambassadeur du Sri Lanka, d’une 4ème session extraordinaire de l’Assemblée générale de l’ONU nous parait la mieux à même de traiter de manière globale la problématique du blocage qui caractérise tous les mécanismes multilatéraux de désarmement. On peut créer une autre commission de sages pour rechercher un Graal légendaire, mais  l’expérience récente nous incite à ne pas faire preuve d’optimisme excessif à cet égard.

 

Enfin, je voudrais vous remercier, Monsieur le Président, du projet de rapport que vous nous avez soumis.

 

De manière générale, ce projet tente de refléter de manière factuelle tel que l’exige le règlement intérieur, les travaux de la CD. Ce texte pourrait, toutefois être amélioré pour  éviter quelques répétitions dans la référence aux documents mentionnés. Enfin, on devrait trouver un moyen de faire état de manière appropriée  des éléments potentiels des initiatives utiles qui ont été prises récemment en marge de la CD.

 

Je vous remercie.