Désarmement

Intervention de M. Idriss Jazaïry, à la Conférence du désarmement, au cours du débat informel thématique sur la question des « Garanties Négatives de Sécurité » organisé le 12 février 2009

Monsieur le Coordonateur,

 

Je voudrais avant tout vous féliciter, Ambassadeur Babacar Carlos Mbaye, Représentant d’un pays avec lequel l’Algérie partage histoire et géographie et entretient des relations fraternelles, pour votre acceptation du rôle de coordonateur pour le point 4 de l'ordre du jour et vous exprimer mes meilleurs vœux de succès dans votre tâche.

 

Monsieur le Coordonateur,

 

Le Gouvernement algérien attache la plus grande importance aux questions du désarmement et de la non prolifération et aux questions touchant à la paix et à la sécurité collectives.

 

C’est pourquoi j’ai voulu contribuer à ce débat portant sur le thème important de ce qui est communément appelé « garanties négatives de sécurité».

 

Ces garanties découlent de l’obligation générale qui incombe aux États dotés d’armes nucléaires de ne pas employer de telles armes contre des États qui n’en sont pas dotés ni de menacer de le faire.

 

Déjà dans le document final de la première session spéciale de l'Assemblée générale sur le désarmement en 1978, il est demandé aux Etats dotés d'armes nucléaires de poursuivre les efforts pour conclure des arrangements appropriés et efficaces à même d’assurer les Etats sans armes nucléaires contre l'utilisation ou la menace de l'utilisation des armes nucléaires.

 

Depuis 1990, à travers une résolution régulièrement adoptée, l'Assemblée générale des Nations Unies nous invite à intensifier nos efforts en vue de parvenir à une entente sur des arrangements internationaux effectifs en la matière.

 

Cette question est également évoquée régulièrement au sein des conférences du TNP, même si aucune mesure d’application n’a pu être prise à ce sujet.

 

 

 

 

Monsieur le Coordonateur,

 

Des « garanties de sécurité » sont certes prévues dans le cadre du régime de non-prolifération et de désarmement établi par le TNP, mais ces garanties sont de portée faible en ce sens qu’elles s’accompagnent de conditions, dépendent dans leur nature de leurs auteurs et ne sont pas nécessairement juridiquement contraignantes. 

 

Dans le même esprit, les résolutions 255 (1968) et 984 (1995) du Conseil de sécurité contenaient toutes les deux des garanties de sécurité. Toutefois, ces résolutions ne constituent pas un instrument juridique et la teneur en est limitée. Ainsi, les États dotés d’armes nucléaires durent concéder des "garanties de sécurité" aux autres pays signataires du TNP. Celles-ci consistent en des garanties positives qui assurent que les pays nucléaires se porteront au secours des pays non nucléaires qui seraient menacés ou attaqués par des armes nucléaires.

 

Ces garanties diffèrent de celles dites négatives, s’apparentant à un traité de non agression et qui marquent l'engagement des pays nucléaires de ne pas attaquer ou menacer d'attaquer avec leurs armes atomiques des pays non nucléaires, signataires du TNP.

 

Les zones exemptes d’armes nucléaires offrent un autre cadre qui prévoit des arrangements dans ce domaine.

 

Ces zones offrent certes un moyen pratique de renforcer les garanties négatives de sécurité au plan régional, mais n’impliquent qu’un nombre limité de pays.

 

De plus, les États dotés d’armes nucléaires n’ont pas tous ratifié les différents traités portant création de ces zones.

 

Il ne faut pas non plus oublier que quelques régions géographiques ne sont pas couvertes par de telles zones.

 

En particulier, et comme tout le monde le sait, dans la région sensible du Moyen-Orient, un projet de création d’une zone exempte d’armes de destruction massive, et d’armes nucléaires existe de longue date mais bute toujours sur le refus d’Israël d’adhérer au TNP et de soumettre ses installations aux garanties de l’AIEA.

 

 

Monsieur le Coordonateur,

 

Ainsi, tout cela signifie que les États dotés d’armes nucléaires n'acceptent pas de manière absolue l'interdiction de recourir à la menace ou à l'emploi de telles armes. Le seuil du recours à l’arme nucléaire a même été baissé récemment par une puissance nucléaire qui a annoncé qu’elle pourrait y recourir si « ses intérêt vitaux étaient menacés ». L’invocation de la notion élastique d’ « intérêts vitaux » n’est pas rassurante pour les Etats non nucléaires.

 

Conséquence logique, mon pays, comme plusieurs autres pays qui ont volontairement renoncé à l’arme nucléaire, juge insuffisantes les garanties négatives de sécurité fournies actuellement par les Etats dotés de ces armes parties au TNP.

 

Il estime que les États non dotés d'armes nucléaires sont en droit de bénéficier, de façon inconditionnelle, de garanties de sécurité crédibles et efficaces qui ne sauraient être matière à interprétation ni sujettes à un veto. A cet effet, ces garanties doivent être codifiées dans un instrument juridique international contraignant.

 

Les garanties négatives de sécurité constituent, pour nous, un pas important et indispensable sur le chemin du désarmement général et complet. Nous estimons à cet égard que les « Principes et objectifs pour la non-prolifération et le désarmement nucléaires » contenus dans la décision II de la Conférence d’Examen et de Prorogation du TNP en 1995 conservent toute leur validité et pertinence tant par rapport à la question des garanties négatives de sécurité que s’agissant des autres engagements contractés et non encore concrétisés.

 

Nous nous devons donc de réaffirmer ces principes et objectifs dans leur lettre et leur esprit, et dans le même temps, s’engager sur la voie de la recherche de ce qui est possible et raisonnable de faire tous ensemble en attendant l'élimination de toutes les armes nucléaires, qui constitue la seule garantie réelle de sécurité.

 

Nous sommes conscients que des divergences importantes se sont développées sur cette question au fils des ans, mais nous sommes encouragés par le fait que le sentiment général qui s’est dégagé au sein de la CD au cours des dernières années laisse croire qu'aucun pays n'a d’opposition majeure au concept de base des garanties négatives de sécurité.

 

Comme tout le monde le sait, ces divergences portent sur plusieurs aspects : qui doit accorder ces garanties et à qui doit-on les fournir ? En quoi doivent-elles consister ? Comment doivent-elles être fournies ? quel est l’instance appropriée pour traiter de cette question ? Faut-il opter pour la Conférence du désarmement ou le TNP avec l’incontournable question de savoir quel serait le statut qu’auraient les États non parties au TNP dans de futurs arrangements en la matière ?

 

A cet égard, je souhaiterais souligner les trois observations suivantes :

 

  1. Il est impératif que nous parvenions à instaurer tout d’abord un climat de confiance entre les Etats dotés d'armes nucléaires et les Etats nos dotés de ces armes sur cette question en obtenant par exemple des puissances nucléaires une affirmation du principe de non-premier usage de l’arme nucléaire et une réaffirmation du principe de non-usage de l’arme nucléaire contre des Etats non dotés de ces armes.

 

  1. Il est important que chacun d’entre nous fasse preuve d’esprit de dialogue et de coopération, afin que nous puissions formuler des réponses adéquates aux préoccupations exprimées.

 

  1. Les défis auxquels la sécurité collective est aujourd’hui confrontée appellent des efforts résolus sur cette question au niveau de la Conférence de Désarmement, en particulier, et du processus préparatoire à la Conférence d'examen du TNP 2010.

 

Nous sommes convaincus qu’une solution satisfaisante en la matière renforcerait le régime de non-prolifération nucléaire et aurait pour effet de promouvoir l'universalité du TNP.

 

Je vous remercie de votre attention.